Ce week end, j’ai lu un vieux classique de la SF : du
Isaac Asimov. Rares sont ceux qui ignorent encore les trois lois auxquelles
obéissent les robots :
- Un robot ne peut porter atteinte à un être
humain ni, restant passif, permettre qu’un être humain soit exposé au danger.
- Un robot doit obéir aux ordres que lui donne un
être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la Première loi.
- Un robot doit protéger son existence tant que
cette protection n’entre pas en conflit avec la Première ou la Deuxième loi.
Mais peut-être que comme moi, vous les connaissiez sans en
avoir lu la source, ou autrement dit Les Robots, de Isaac Asimov.
Un petit régal de quelques heures
D’un
point de vue purement littéraire, d’abord, je dois avouer que j’ai dévoré Les Robots : le style est facile,
compréhensible, l’on ne se doute pas une seconde qu’il a été écrit dans les
années 1950. Il met en scène des personnages en apparence peu approfondis mais
en réalité bien pensés et bien sûr imparfaits,
au contraire des robots. Il n’y a pas véritablement de personnage prédominant,
et cette absence de héros traditionnel nous permet d’imaginer un futur
réaliste, avec des gens comme vous et moi au milieu de ces robots incongrus
mais forts utiles. Asimov a également le souci de ne pas tomber dans le cliché
de la machine qui « devient méchante » et veut prendre le contrôle de
l’humanité… Un modernisme étonnant au regard de la date de publication de cet
ouvrage.
Plutôt qu’une longue intrigue, enfin, l’auteur propose plutôt une
série de petites histoires à l’intérieur de la vie de l’un des personnages. Le
rythme est ainsi soutenu, le livre ne souffre d’absolument aucune longueur.
Finalement, mon seul regret lors de cette lecture fut que j’ai trouvé le livre
bien trop court, je suis restée sur ma faim. Qu’à cela ne tienne, j’irai
dévorer la suite du Cycle des Robots
dès que possible !
Petit regard sur un personnage féminin
Vous
l’aurez peut-être déjà remarqué, je m’intéresse assez souvent à la place des
femmes dans les œuvres de science-fiction (il existe même de la science-fiction féministe !), et il m’était impossible de ne pas revenir sur ce sujet
après avoir lu Les Robots. Pourtant,
soyons honnête, je ne pensais pas du tout avoir à en parler… Honte à mes
préjugés, Isaac Asimov m'a étonnée !
D’abord,
si l’on devait désigner un personnage principal important, dans cette œuvre, il
s’agirait sans nul doute du docteur Susan Calvin, robopsychologue. Et devinez
quoi ? Ce personnage ne se distingue ni par un physique attrayant, ni par
ses aventures sexuelles, mais uniquement par… Ses compétences et son expérience
en matière de robotique. Le Dr Calvin est en fait tantôt la narratrice, tantôt
le personnage principal de petites histoires dans le livre. Elle résout
d’épineux problèmes relatifs aux robots et à la façon dont ils doivent répondre
aux trois lois de la robotique. D’une intelligence rare, elle connaît mieux que
quiconque les cerveaux positroniques de ces créatures mécaniques et est
reconnue comme la spécialiste
incontournable dans le système solaire. Le fait que le livre soit des années
50, par ailleurs, rend à mes yeux cet effort particulièrement admirable.
Asimov, un féministe ?
L’on comprend la place du Dr Calvin lorsque l’on prend le
temps de lire la préface des Robots.
Isaac Asimov revient sur la naissance de ses rêves sur les robots et sur ce
qu’il souhaitait précisément écrire à leur sujet. Et il n’en parlera pas de
manière tout à fait neutre, puisqu’il évoquera d’emblée l’histoire de Mary
Shelley au XIXème siècle : fille de la philosophe féministe Mary
Wollstonecraft, elle épousa Percy Bysshe Shelley en 1816. Ce dernier est
écrivain et poète à succès. De son temps, il était reconnu… Isaac Asimov
évoquera avec malice qu’il laissa avec une bienveillance hautaine sa femme se
mettre à écrire à son tour. Cela ne ferait pas de mal, bien sûr. Ce qui était
imprévu, c’était que Mary Shelley allait produire un livre au succès
retentissant : Frankenstein !
C’est sur l’évocation de cette œuvre et des circonstances de
sa création qu’Asimov explique son inspiration vis-à-vis de la création des
hommes, bien qu’il ne souhaitât guère tomber dans le complexe de Faust qui
prédisait la rébellion de la créature envers l’homme. Cet état d’esprit, il me
semble, nourrit d’une part mes réflexions sur une science-fiction féministe
(Asimov insiste sur le fait qu’il s’agissait d’une femme outrepassant son époux
alors que tout le monde, à l’époque, ne s’attendait guère qu’à la voir produire
une œuvre médiocre, et il est impossible de ne pas faire le lien entre ces
confidences de la préface et le rôle prédominant d’une femme qui surpasse les
hommes dans la science de la robopsychologie dans son œuvre) mais me fait
également m’interroger : au regard de la place de la femme dans la
littérature SF aujourd’hui, et si la position d’Isaac Asimov a semblé naturelle
dans les années 1950… Est-ce que nous avons fait beaucoup de chemin sur ce
thème depuis ?