vendredi 13 février 2015

J’ai lu la Servante Ecarlate, de Margaret Atwood

Il y avait longtemps qu’un livre de science-fiction n’avait pas autant eu d’effet sur moi. J’avais entendu parler de la Servante Ecarlate (The Handmaid's Tale en anglais, paru en 1985) comme une espère de « second 1984 » en référence à l’œuvre de George Orwell. Je trouve maintenant que la comparaison est justifiée, mais Margaret Atwood a créé un univers bien différent… Et beaucoup plus proche de notre société. Le résultat est un totalitarisme réaliste, dont les femmes sont les premières victimes en raison de l’appauvrissement de la fertilité humaine…

Mais n’allons pas trop vite. Qui est Margaret Atwood, déjà, et pourquoi est-ce que je lis ça ?


Margaret Atwood est une romancière et poète canadienne, et a à ce jour 75 ans. Elle a reçu plusieurs prix de littérature prestigieux, autant pour la poésie que pour ses romans, notamment le prix Arthur C. Clarke pour la Servante Ecarlate. Elle est d’ailleurs toujours active puisqu’elle a encore publié un recueil de poèmes en 2014 !

Je me suis intéressée à elle dans le cadre de mes recherches sur la science-fiction féministe, dont j’ai parlé dans un précédent article. Ce roman vient en première position si l’on cherche à lire de la science-fiction féministe. Etant donné que j’avais pris quelques vacances dans un pays scandinave en Janvier, je me suis arrêtée dans une librairie pour acheter cette œuvre, dans sa langue originale, donc en anglais.


L’histoire est racontée par une femme dont le « métier » est d’être au service d’une famille afin d’enfanter. Le taux de fécondité ayant drastiquement baissé, et la religion ayant pris une importance primordiale dans cette société américaine du futur, les femmes se sont vus réduites à des fonctions domestiques et n’ont plus droit de posséder de comptes bancaires, de travailler et peu à peu, elles se voient même retirer le droit de sortir où elles le souhaitent. Elles obéissent à des règles édictées par la Loi, au service de l’homme…  Tout au long de l’histoire, on ne connaîtra d’ailleurs jamais le nom d’Offred. Les femmes n’ont plus d’identité, sinon en utilisant le patronyme de l’homme de la famille qu’elles servent.


Vêtue de rouge, comme toutes les jeunes femmes qui ont la fonction d’enfanter, Offred évolue dans un monde d’horreur mais qu’elle raconte avec une naïveté qui rappelle combien le totalitarisme peut s’insinuer dans une société sans même que ses membres se rendent comptent des libertés dont ils se privent peu à peu. En tant que femme, j’avoue qu’il était très facile de s’identifier à ce personnage qui n’ose pas se rebeller, parce qu’elle tient à sa vie. Qui n’ose s’enfuir parce qu’elle considère que son sort pourrait être pire, même si elle n’a plus aucun droit, aucune possession, aucune vie privée. Elle vole une allumette, la dissimule pour plus tard, pour le jour où elle aura fait une erreur et que le gouvernement viendra la chercher pour se débarrasser d’elle. Alors, elle mettra le feu à sa chambre et périra avant de connaître plus d’horreur qu’elle doit déjà en supporter.

Et nous, dans cette histoire ? Margaret Atwood, très cultivée, introduit des éléments de l’histoire de l’URSS et de celle de l’Allemagne nazie, ce qui fait prendre conscience de la possibilité qu’une telle société se développe un jour, pour de vrai. Et que, probablement, les femmes en seraient les premières victimes en raison de leur réduction à leur possibilité de donner la vie. Il est rare qu’un livre me fasse réfléchir à ce point. Me fasse comprendre combien nos libertés sont fragiles, et comment les femmes doivent se battre tout autant qu’avant pour défendre les leurs.

A la place d’Offred, aurions-nous tenté de nous enfuir ? Aurions-nous réagi avant que la situation se soit trop dégradée ? Quand les homosexuels avaient commencé à être pourchassés et que la religion s’était mise à dicter tous nos comportements, même les plus intimes ?

Je l’espère. Mais à l’image d’Offred, nous pourrions tout aussi bien abandonner pour protéger notre vie, se faire toute petite en se disant que ça finirait bien par passer… Sauf si, bien sûr, la culture nous aura fait réfléchir avant, non ?

Merci Madame Atwood !